Le statut juridique du blaireau 

Ecrit par Graziella Dode
15 mai 2025

Dire à quelqu’un qu’il est un « blaireau » ne lui fera sûrement pas plaisir. 

A l’instar de nombreuses insultes animalières, cette expression repose sur une perception négative et infondée de l’animal qu’elle désigne. Le blaireau n’a rien d’un être maladroit et est loin d’être bête !

En cette Journée mondiale des blaireaux, instaurée par l’ASPAS chaque 15 mai, il convient de le mettre à l’honneur.

Le blaireau d’Europe (Meles meles) est un animal discret et nocturne qui vit en terrier, ce qui explique que l’on croise rarement son chemin. Sa population en France reste difficile à quantifier avec précision, en l’absence de protocole national de recensement. Les estimations varient entre 150.000 et 300.000 individus.

Une chose est certaine : l’espèce est loin d’être épargnée. Outre les nombreux blaireaux victimes de collisions routières, environ 20.000 sont tués chaque année par la chasse. Une partie d’entre eux succombent à la pratique dite de  « vénerie sous terre » ou « déterrage », qui consiste à faire pénétrer des petits chiens dans les terriers pour traquer l’animal.

Pris entre méconnaissance, préjugés et pressions cynégétiques, le blaireau bénéficie aujourd’hui d’un statut juridique national peu protecteur (I), en décalage avec une protection européenne plus avancée (II).

  1. Le blaireau : un statut national creusé à la pelle
  1. Une espèce constamment chassable

Conformément à l’arrêté du 26 juin 1987, le blaireau est un mammifère faisant partie de la liste des espèces de gibier.

Cette classification autorise sa chasse pendant les périodes définies par l’autorité administrative (art. L. 424-2 Code de l’environnement), généralement de mi septembre à mi février.

Par dérogation, des autorisations administratives spécifiques de « chasse particulière » peuvent être accordées (art. L. 424-2, alinéa 3, du même code). 

La vénerie sous terre, quant à elle, est autorisée du 15 septembre au 15 janvier. Elle peut toutefois l’être dès le 15 mai par décision préfectorale, on parle alors de « période complémentaire » (art. R. 424-5 CE).

Jusqu’en 2014, un championnat international de déterrage du blaireau se tenait dans l’Allier (03), avant d’être interdit.

Il convient de préciser que le blaireau ne figure pas parmi les ESOD (Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts), ce qui rend son piégeage normalement interdit. En cas de capture accidentelle, l’animal doit être relâché.

Néanmoins, le blaireau peut être détruit en tant que « bête fauve » si des dommages avérés sont constatés (art. L. 427-9 du CE).

Ainsi, le pauvre blaireau subit une pression constante et des pratiques cruelles.

  1. Des avancées à pas de blaireau 

La vénerie sous terre est une méthode de chasse violente, régulièrement dénoncée pour sa cruauté. Elle n’est pas sélective et peut entraîner la mort de jeunes blaireaux. 

L’opinion publique y est fermement opposée. D’après un sondage Ipsos de 2023, commandé par l’association One Voice, 84 % des Français sont favorables à l’interdiction de cette pratique.

Plusieurs associations, comme l’ASPAS, AVES France et One Voice, contestent en justice les arrêtés préfectoraux qui autorisent des « périodes complémentaires » de vénerie sous terre. En 2024, cette stratégie s’est révélée efficace puisque sur les 26 recours en référé déposés, 20 ont abouti à la suspension de ces arrêtés.

Le Conseil d’État, de son côté, veille à la légalité de ces autorisations préfectorales. Dans une décision du 28 juillet 2023 (CE, 6ème chambre, 28 juill. 2023, n°445646), il a confirmé que les préfets peuvent légalement ouvrir des périodes complémentaires. Mais il a aussi rappelé des limites importantes : les autorisations accordées ne doivent ni nuire à l’état de conservation du blaireau, ni permettre la mise à mort de jeunes blaireaux.

Enfin, une seule collectivité a pris les devants : le département du Bas-Rhin a choisi d’interdire la vénerie sous terre sur son territoire.

II. Une protection européenne des blaireaux enterrée trop vite

  1. Un rôle écologique ignoré sous terre

Le blaireau joue un rôle écologique important dans les écosystèmes où il vit.

En fouillant la terre pour se nourrir, il aère naturellement les sols. Son régime alimentaire contribue à la régulation d’espèces comme les petits rongeurs, les larves de hannetons ou encore les nids de guêpes. Il régule ainsi des espèces qui ont pour habitude de causer des dommages aux cultures.

Ses terriers sont parfois réutilisés par d’autres animaux comme les renards, les lapins, les amphibiens ou certains reptiles. 

Le blaireau est un véritable ingénieur des écosystèmes !

Pourtant, ce rôle écologique est largement ignoré dans le droit français. Aucun article du Code de l’environnement ne reconnaît explicitement ses fonctions bénéfiques pour les sols ou la régulation des espèces. 

Cela contribue à maintenir une approche centrée sur les enjeux cynégétiques et agricoles, souvent hostile à l’espèce. En effet, les chasseurs mettent en avant les dommages que cause(rait) le blaireau aux cultures ou aux infrastructures pour justifier sa destruction. 

L’approche européenne est plus sensible au rôle écologique du blaireau.

  1. Une France qui fait terrier à part

La Convention de Berne vise à assurer la conservation de la faune et de la flore sauvages en Europe, ainsi que de leurs habitats. La France y est signataire.

Le blaireau figure à l’annexe III de la Convention, parmi les « espèces de faune protégées dont l’exploitation est règlementée ». Il bénéficie ainsi d’une protection renforcée dans plusieurs pays européens. 

Au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal, en Italie et en Grèce, la chasse au blaireau est prohibée, et des mesures de conservation sont mises en place pour préserver l’espèce.

La vénerie sous terre est autorisée seulement en France et en Allemagne.

En France, plusieurs associations estiment que cette pratique viole les engagements pris dans le cadre de la Convention de Berne. Elles ont donc déposé une pétition pour demander l’interdiction du déterrage, arguant que cette méthode de chasse va à l’encontre des objectifs de protection de l’espèce (en contradiction avec la Convention de Berne). 

Le Sénat, dans un rapport d’information n° 470 publié le 29 mars 2023, a considéré que la réglementation française respecte la Convention. Il rappelle que l’annexe III impose aux États de veiller à ce que l’espèce reste hors de danger, ce qui serait le cas en France (le blaireau étant classé en « préoccupation mineure » sur la liste rouge de l’INPN). 

Le rapport conclut également en affirmant que « la chasse est une activité légitime vis-à-vis des animaux sauvages » …

Malgré cette position, les associations poursuivent leur mobilisation. En mai 2023, dix d’entre elles ont déposé une plainte contre la France auprès du Comité de Berne. Elles dénoncent la vénerie sous terre comme contraire aux exigences de la convention.

En novembre 2023, le Bureau du Comité a rejeté la plainte. Il a estimé que les nombreuses victoires juridiques obtenues par les associations en France (suspension de la chasse dans plusieurs départements) montraient une évolution favorable. Il n’a donc pas jugé nécessaire d’intervenir davantage. 

Les associations ont regretté cette décision, estimant que la protection du blaireau reste encore insuffisante. Le combat est loin d’être fini.

Lyslou GAILHAGUET

Elève-avocate

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