Ces dernières années, le bien-être animal est devenu une préoccupation majeure de la société. Les juges sont de plus en plus confrontés à des contentieux relatifs aux animaux, et le droit animalier se développe progressivement.
Dans ce contexte, le film « Le procès du chien », réalisé par Laetitia Dosch, sort en salle le 11 septembre 2024 : il raconte l’histoire de Cosmos, poursuivi en justice pour avoir mordu, et défendu par Avril, une avocate.
Divertissement et bien-être animal, est-ce compatible ?
La réglementation applicable à la protection animale dans les spectacles
La loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes est intervenue dans le domaine des spectacles.
La détention, l’acquisition et la reproduction d’ours et de loups, y compris hybrides, en vue de les présenter au public à l’occasion de spectacles itinérants est interdite depuis 2023.
De même, il est interdit de présenter en discothèque des animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages.
Il est interdit également de présenter lors d’émissions télévisées des animaux non domestiques, qu’ils soient captifs ou sortis de leur milieu naturel.
Aussi, les spectacles de cétacés et les contacts directs entre les cétacés et le public seront interdits dès 2025.
Les spectacles, la détention et le transport d’animaux sauvages dans les cirques seront interdits dès 2028.
Le milieu du spectacle n’est donc pas dénué de réglementation concernant la protection animale. Pourtant, aucune disposition particulière ne s’applique dans le domaine du cinéma.
La réglementation applicable à la protection animale dans le cinéma
A l’heure actuelle, il n’existe aucune loi spécifique à la protection des animaux dans le cinéma. Dès lors, lui est applicable la réglementation générale.
Ainsi, l’interdiction des mauvais traitements et actes de cruauté est applicable au cinéma. Par exemple, exercer des sévices graves ou commettre un acte de cruauté est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 521-1 du Code pénal).
De même, l’animal doit être placé dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce (article L. 214-1 Code rural et de la pêche maritime).
Ces dispositions concernent tant les animaux domestiques que les animaux sauvages, ces derniers intégrant la catégorie des animaux apprivoisés ou tenus en captivité dès lors qu’ils sont utilisés dans le cinéma.
La nécessité d’établir une réglementation applicable à la protection animale dans le cinéma
Les animaux, tant domestiques que sauvages, intègrent le cinéma facilement, que ce soit pour des documentaires animaliers ou bien en tant qu’acteurs d’un film.
Néanmoins, les associations alertent depuis quelques années sur le non-respect du bien-être animal dans le monde du cinéma.
Les animaux utilisés pour les films peuvent subir des maltraitances lors du dressage, lors du tournage ainsi que lors du séjour sur les lieux du tournage. Certains animaux seraient parfois laissés dans leurs excréments, les cages ne seraient pas nettoyées, certains animaux seraient blessés et ne seraient pas soignés, et certains seraient même affamés pour qu’ils obéissent lors des tournages.
En 1980, dans le film Cannibal Holocaust, l’on voit un hamster dépecé vivant, une tortue et un signe décapités ainsi que plusieurs autres animaux tués. Les scènes de tuerie ne seraient malheureusement pas fictives. En 2012, la sortie du film Le Hobbit avait fait réagir l’association Peta. 27 animaux seraient morts sur le tournage et de nombreux animaux auraient subis des souffrances : des moutons se sont cassés les pattes, des poulets ont été mutilés par des chiens, deux chevaux sont morts et d’autres blessés. La majorité de ces blessures résultent de négligences puisqu’elles auraient eu lieu dans les fermes où les animaux séjournaient et non sur le tournage.
Ces exemples ne seraient malheureusement pas isolés. Le tigre dans L’odyssée de PI aurait manqué de se noyer ; un hibou aurait été enfermé durant 6 semaines dans ses excréments sur le tournage du film Harry Potter.
Ces mauvais traitements et actes de maltraitance ont également lieu lors du dressage de l’animal pour le film. Tel serait le cas de Rosie, l’éléphant femelle du film De l’eau pour les éléphants qui aurait subi régulièrement des mauvais traitements.
Les images de synthèse : la meilleure des solutions ?
Le bien-être animal prend de plus en plus de place dans les considérations de la société. L’affaire concernant Pierre Cadéac avait justement pris de l’ampleur. En 2022, l’association PAZ révélait une vidéo sur le dresseur animalier frappant un aigle. Une enquête du média Vakita interroge des témoins de ces scènes : on y voit une photo d’un singe avec un cocard et on y apprend plusieurs actes de maltraitance commis régulièrement sur les animaux du parc.
Certains réalisateurs et producteurs mettent en place des alternatives et des méthodes plus respectueuses du bien-être animal. Le film Le renard et l’enfant avait alors reçu le Visa cinéma de la Fondation 30 Millions d’Amis. Ce visa, demandé par le producteur ou réalisateur est accordé aux films qui n’ont fait subir aucunes violences aux animaux en respectant une charte où l’on trouve par exemple l’interdiction de tuer, blesser ou maltraiter un animal. L’animal doit pouvoir se reposer entre les prises, il est interdit d’utiliser des pétards à proximité des animaux ou encore il est obligatoire de protéger les yeux des animaux en cas de tempêtes de sable.
Néanmoins, l’utilisation des animaux dans le cinéma ne peut permettre de respecter pleinement les besoins des animaux. En tout état de cause, les animaux peuvent subir du stress et sont privés de liberté. Les animaux sauvages sont imprégnés de l’homme et ne peuvent être relâchés.
Alors, le meilleur moyen de protéger les animaux dans le cinéma pourrait être tout simplement de ne pas les exploiter, en développant davantage les images de synthèse. Les progrès devraient désormais permettre d’obtenir des images très réalistes. Le Roi Lion, réalisé entièrement en images de synthèse, avait ainsi convaincu la majorité des spectateurs.
Lola JAHAN, Juriste
Graziella DODE, Avocate
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