Régulièrement, les réseaux sociaux n’hésitent pas à diffuser des photos d’animaux sans le consentement des propriétaires, voire les commercialisent. Qu’en dit le droit aujourd’hui ?
Le droit à l’image des animaux est un droit entièrement soumis au régime des biens
La possibilité de diffuser et commercialiser les photographies d’animaux sans le consentement de leur propriétaire
Un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans en date du 15 février 2007 n° 06/00988 qui pose le principe : une tierce personne peut commercialiser les photographies d’un animal sans le consentement de leur propriétaire dès lors que leur utilisation ne cause pas de troubles anormaux.
En l’espèce, un photographe professionnel avait réalisé, dans un élevage de chiens de race bichon maltais, des clichés. Le photographe, dépassant les limites de l’autorisation donnée pour l’utilisation des photographies par les éleveurs, a été assigné par ces derniers en réparation de leur préjudice. Le photographe utilisait les photographies comme support de cartes postales et fonds de cadran de pendules. La Cour précise alors que le trouble anormal ne peut résulter du seul fait de l’exploitation commerciale des photos. De même, l’absence de trouble anormal est d’autant plus caractérisée dès lors que les chiens, présentant un caractère « standard », sont difficilement différentiables d’autres chiens de la même race.
Dès lors, le juge ne fait pas différence entre le droit à l’image d’un bien et le droit à l’image de l’animal.
Le droit à l’image et le statut juridique de l’animal
L’animal domestique est reconnu depuis 2015 comme un être vivant et sensible (article 515-14 du Code civil). Pour autant, sous réserve des lois qui les protègent, les animaux restent soumis au régime des biens.
De ce fait, c’est le droit à l’image des biens qui va s’appliquer, indifféremment de la qualité d’être vivant et sensible des animaux, mais surtout du lien qui les unit à leur propriétaire. En effet, aucun régime particulier n’a été établi à ce jour.
Le droit à l’image des biens applicable aux animaux
L’on distingue dans le droit à l’image le droit à l’image de la personne et le droit à l’image des biens.
Le droit à l’image des biens est le droit du propriétaire du bien sur l’image de ce bien. La jurisprudence affirme que ce droit ne résulte pas du droit de propriété de l’article 544 du Code civil, fondement juridique du droit de propriété[1]. Le propriétaire ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de son bien.
La contestation de la diffusion et/ou la commercialisation de la photo de son animal
Il n’y a pas de régime particulier concernant le droit à l’image des animaux. Il faut donc s’appuyer sur le droit à l’image des biens en général.
Il résulte de la jurisprudence que le droit à l’image des biens ne relève pas du droit de propriété.
Notamment, c’est un arrêt d’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 mai 2004 qui va venir limiter le droit à l’image des biens du propriétaire. Ainsi, il ne peut contester la diffusion de l’image de son bien qu’en cas de trouble anormal. La Cour nous dit plus précisément que « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; qu’il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ».
Ainsi, le propriétaire d’un animal ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci, mais il peut s’opposer à son utilisation dès lors qu’il démontre l’existence d’un trouble anormal. Il pourra donc contester la diffusion et/ou commercialisation de la photo de son animal.
Le trouble anormal
Le trouble anormal permettant de contester la diffusion et/ou commercialisation de la photo de son animal est apprécié assez strictement par la Cour.
Ce dernier a été défini par un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans du 15 février 2007 n° 06/00988 qui nous précise que ce trouble ne peut résulter du seul fait que le photographe a exploité commercialement l’image. Dès lors, une tierce personne peut, sans votre consentement, commercialiser la photo de votre animal en toute légalité.
Les juridictions s’appuient encore actuellement sur ce critère (Cour d’appel, Paris, Pôle 2, chambre 7, 17 avril 2019 – n° 18/01893).
Pour autant, dans un arrêt du Tribunal de grande instance de Paris, (TGI Paris, 3ème, 10-04-2014, n° 12/16803), le Tribunal retenait la présence d’un trouble anormal dans la diffusion de photographies par France Télévision de chiens d’un éleveur. En effet, la chaîne télévisée, pour illustrer la mort, par deux dogues allemands, d’une enfant, a diffusé les photographies des dogues allemands d’un éleveur disponibles sur son site internet. Le Tribunal retient, pour reconnaître le trouble anormal, le caractère tragique de la mort de l’enfant illustrée par les photographies des dogues allemands de l’éleveur, professionnel passionné par cette race et à laquelle il y consacre sa vie professionnelle. Il sera indemnisé de son préjudice à hauteur de 800 euros.
De même, un propriétaire pourrait démontrer un trouble anormal résultant de la diffusion ou commercialisation d’une photo de son animal si cette dernière porte atteinte à sa vie privée.
Aujourd’hui encore, le droit à l’image des biens est le régime juridique applicable au droit à l’image des animaux, ignorant la qualité d’être vivant et sensible de l’animal, mais également le lien unique qui l’unit à son propriétaire.
Lola JAHAN, Juriste stagiaire
Graziella Dode, Avocat
[1] « Le droit à l’image des biens ne relève pas du droit de propriété et le propriétaire ne peut se plaindre que s’il prouve l’existence d’un trouble anormal. » – Droit à l’image des biens : le cas du chien Fanny – Commentaire par Christophe CARON.
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