Jurisprudence LANNA – Le préjudice animalier

Ecrit par Graziella Dode
11 janvier 2024

Dans une décision inédite du 11 janvier 2024, le Tribunal correctionnel de Lille a reconnu et indemnisé pour la première fois en France le préjudice de l’animal lui-même, victime d’actes de cruauté de l’homme.

Attention, les éléments qui suivent peuvent heurter la sensibilité du lecteur.

Les faits

Lanna était une jeune chatte, adoptée au sein d’un refuge.

Ayant prétendument « agressé » (griffé) le fils de sa compagne, enfant autiste, le prévenu a frappé la chatte avec une latte en bois jusqu’à lui donner la mort.

Il a ensuite jeté le cadavre de l’animal dans les poubelles de l’immeuble.

Il ressort de ces faits une volonté perverse de faire souffrir l’animal, et une envie profonde de lui donner la mort.

Le préjudice de l’animal

Les faits parlent d’eux-mêmes : Lanna, être vulnérable, a souffert le martyre.

L’association de protection animale réquisitionnée a récupéré le corps sans vie de l’animal, l’a fait analyser par son vétérinaire et s’est chargée de son incinération.

De l’aveu même du prévenu, la chatte n’est pas morte après le premier coup qu’il lui a porté : il a reconnu avoir donné au moins 5 coups très violents sur sa tête, et a précisé qu’elle avait des soubresauts et saignait abondamment.

Le rapport du vétérinaire confirme que les lésions observées sur son corps correspondent à ces déclarations.

Evidemment, dans de telles circonstances, la chatte a terriblement souffert.

Elle a tenté d’échapper à son bourreau qui l’a poursuivie.

Elle a donc vécu ses derniers moments dans une angoisse et un stress intense, outre les souffrances physiques subies.

Le préjudice de l’animal est une réalité qui a enfin été entendue par la Justice.

La procédure pénale

Le prévenu a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Lille du chef d’actes de cruauté commis envers un animal domestique (article 521-1 du Code pénal).

Il a reconnu les faits et admis qu’il n’était pas en capacité de gérer un animal de compagnie.

Le Tribunal correctionnel de Lille l’a, dans son jugement du 11 janvier 2024, déclaré coupable et l’a condamné aux peines suivantes :

  • à titre de peine principale : une peine de 8 mois d’emprisonnement avec sursis simple (le procureur avait requis 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple) ;
  • à titre de peine complémentaire : l’interdiction définitive de détenir un animal de compagnie.

L’association de protection animale réquisitionnée dans le cadre de cette affaire s’est constituée partie civile et a obtenu des dommages et intérêts à titre de réparation :

  • du préjudice matériel : en remboursement des frais de déplacement, d’analyse vétérinaire et d’incinération du corps de la chatte ;
  • du préjudice moral : compte tenu de l’atteinte portée par les faits à son objet social et ses missions statutaires ;
  • des frais de procédure occasionnés ;
  • du préjudice animalier : 100 euros symboliques ont été alloués à l’association à titre de réparation des souffrances subies par l’animal lui-même.

Cette indemnité sera affectée au sauvetage d’animaux en détresse et aux campagnes de sensibilisation à la lutte contre la maltraitance animale de l’association.

Une décision de justice importante pour les droits des animaux

Le Tribunal correctionnel de Lille a reconnu les souffrances de l’animal, victime directe des faits de cruauté commis.

L’animal n’ayant pas de personnalité juridique, il ne peut être indemnisé lui-même : c’est bien l’association partie civile qui recueille cette indemnité qui sera dédiée à la lutte contre la maltraitance animale.

Cette décision, inédite, est à saluer. Elle a d’ailleurs été très favorablement accueillie dans les cercles juridique et animalier.

Le juge a pris en compte la qualité d’être vivant et sensible de l’animal (article 515-14 du Code civil issu de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015), qui mériterait compte tenu de ce nouveau statut, un régime juridique dédié, le régime des biens étant inadapté à sa nature.

Il s’agit d’un pas franchi vers la reconnaissance de l’animal en tant que personne non humaine.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence relative au préjudice écologique, avec l’affaire de la pollution de l’Erika, qui avait causé d’importants dommages à l’environnement et aux écosystèmes. Les juges avaient reconnu l’existence d’un préjudice écologique, qui avait été indemnisé. Le législateur avait ensuite adopté un régime juridique autonome de réparation du préjudice écologique, désormais inscrit aux articles 1246 et suivants du Code civil.

C’est sur la base du même raison raisonnement juridique, fondé sur l’article 1240 du Code civil relatif à la responsabilité civile de droit commun et sur l’article 515-14 du Code civil, que la demande indemnitaire au titre du préjudice animalier a été formée devant le Tribunal correctionnel de Lille par l’association que le cabinet DODE AVOCAT représentait.

La décision du Tribunal correctionnel de Lille du 11 janvier 2024 n’a pas été frappée d’appel, elle est définitive, et constitue désormais un précédent qui ne saurait être ignoré.

Il convient de souligner qu’à l’étranger, d’autres juridictions ont déjà reconnu la qualité de personne non humaine à un animal.

Il faut espérer que d’autres décisions en ce sens interviendront en France.

Le droit français ne peut continuer à traiter l’animal comme un bien et ignorer ses souffrances réelles dans ce type d’affaires encore trop nombreuses.

L’animal est bien la victime directe des faits pénalement répréhensibles commis. Sa souffrance doit être réparée.

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